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LA VOLONTÉ DEVANT LA PERCEPTION EXTÉRIEURE

de la pensée humaine, et sont incapables d’agir sur tout autre être que sur l’homme. Par le caractère inné de chaque homme, les fins en général vers lesquelles il tend invariablement, sont déjà déterminées dans leur essence : les moyens auxquels il a recours pour y parvenir sont déterminés tantôt par les circonstances extérieures, tantôt par la compréhension et par la vue qu’il en a, vue dont la justesse dépend à son tour de son intelligence et de la culture qu’elle possède. Comme résultat final, nous trouvons l’enchaînement de ses actes, et l’ensemble du rôle qu’il doit jouer dans le monde. C’est donc avec autant de justesse dans la pensée que de poésie dans la forme que Gœthe, dans une de ses plus belles strophes, a résumé comme il suit cette théorie du caractère individuel :

Comme dans le jour qui t’a donné au monde,
Le soleil était là pour saluer les planètes,
Tu as aussitôt grandi sans cesse,
D’après la loi selon laquelle tu as commencé,
Telle est ta destinée, tu ne peux échapper à toi-même
Ainsi parlaient déjà les sibylles, ainsi les prophètes ;
Aucun temps, aucune puissance ne brise
La forme empreinte, qui se développe dans le cours de la vie[1].

Nous disions donc que la vérité fondamentale sur laquelle repose la nécessité de l’action de

  1. Dieu et le monde, poésies orphiques. — Traduction de M. Porchat, t. I, p. 312.