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LA VOLONTÉ DEVANT LA PERCEPTION EXTÉRIEURE

dire ses idées mesquines, étroites, et ses vues bornées d’écoles primaires ; mais telle était déjà la conviction du père de la morale, Socrate, qui, selon le témoignage d’Aristote (Ethica magna, 1, 9), prétendait « qu’il ne dépend pas de nous d’être bons on méchants. » Les raisons qu’Aristote invoque contre cette thèse sont manifestement mauvaises ; d’ailleurs il partage lui-même sur ce point l’opinion de Socrate, et il l’exprime de la façon la plus claire dans l’Éthique à Nicomaque (vi, 11) : « Tout le monde croit que chacune des qualités morales que nous possédons se trouve en quelque mesure en nous par la seule influence de la nature. Ainsi, nous sommes disposés à devenir équitables et justes, sages et courageux, et à développer d’autres vertus, dès le moment de notre naissance. » (Trad. de M. Barthélémy Saint-Hilaire.)

Et si l’on considère l’ensemble des vertus et des vices tels qu’Aristote les a résumés en un rapide tableau dans son ouvrage « De virtutibus et vitiis,  » on reconnaîtra que tous, supposés existant chez des hommes réels, ne peuvent être pensés que comme des qualités innées, et ne sauraient être vrais que comme tels : par contre, s’ils étaient nés de la réflexion et acceptés par la volonté, ils ressembleraient, à vrai dire, à une sorte de comédie, ils seraient faux, et par suite on ne pourrait compter aucunement ni sur leur persis-