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essai sur le libre arbitre

ennoblissement de l’âme. Le caractère est invariable, l’action des motifs fatale : mais ils doivent avant d’agir passer par l’entendement, qui est le medium des motifs. Or celui-ci est susceptible à des degrés infinis des perfectionnements les plus divers et d’un redressement incessant : c’est là le but même vers lequel tend toute éducation. La culture de l’intelligence, enrichie de connaissances et de vues de toute sorte, dérive son importance de ce que des motifs d’ordre supérieur, auxquels sans cette culture l’homme ne serait pas accessible, peuvent se frayer ainsi un chemin jusqu’à sa volonté. Aussi longtemps que l’homme ne pouvait pas comprendre ces motifs, ils étaient pour sa volonté comme s’ils n’existaient pas. C’est pourquoi, les circonstances extérieures restant identiques, la position d’un homme relativement à une résolution possible peut être fort différente la seconde fois de ce qu’elle était la première : il peut, pendant l’intervalle, être devenu capable de concevoir les mêmes circonstances d’une façon plus exacte : et plus complète, et c’est ainsi que des motifs, auxquels il était autrefois inaccessible, peuvent l’influencer aujourd’hui. Dans ce sens les scolastiques disaient très-justement : « Causa finalis (le but, le motif) movet non secundum suum esse reale, sed secundum esse cognitum… » (Le motif meut [la volonté] non d’après ce qu’il est en soi mais