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la volonté devant la perception extérieure

d’autres choses dépendent, qui, sans nécessité et par suite sans raison, produit actuellement A, tandis qu’il pourrait aussi bien produire B, ou C, ou D, et cela dans des circonstances identiques, c’est-à-dire sans qu’il y ait à présent rien en A, qui puisse lui faire donner la préférence sur B (car ce serait là un motif, et par conséquent une cause), pas plus que sur C ou sur D. Nous sommes ramenés ici à la notion indiquée dès le commencement de ce travail (p. 11), celle du hasard absolu. Je le répète : une telle notion paralyse complètement l’esprit, à supposer même qu’on réussisse à la lui faire concevoir.

Il convient maintenant de nous rappeler ce qu’est une cause en général : La modification antécédente qui rend nécessaire la modification conséquente[1]. Jamais aucune cause au monde ne tire son effet entièrement d’elle-même, c’est-à-dire ne le crée ex nihilo[2]. Il y a toujours une matière sur laquelle elle s’exerce, et elle ne fait qu’occasionner à un moment, en un lieu, et sur un être

  1. La définition scolastique : « Per causam intelligo id quo sublato tollitur effectus,  » a le défaut de s’appliquer aussi bien aux conditions d’un fait qu’à sa cause.
  2. Il est assez remarquable que ceux qui nient la création et soutiennent l’aséité du monde, nient aussi le libre arbitre : Spinoza, les matérialistes du xviiie siècle, Schopenhauer (V. infrà, p. 144) sont dans ce cas. — L’analogie profonde qui existe entre l’acte créateur de la toute-puissance divine et l’acte libre de la volonté humaine, a