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DE LA PREMIÈRE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

Quand je presse ma main contre la table, dans la sensation qui en résulte pour moi n’est pas du tout contenue la représentation de la ferme consistance des parties de la masse, ni de rien de semblable ; ce n’est qu’en passant de la sensation à sa cause que mon entendement se construit un corps qui possède la propriété de solidité, d’impénétrabilité et de dureté. Si, dans l’obscurité, je pose ma main sur une surface, ou si je prends en main une boule d’environ trois pouces de diamètre, ce seront, dans les deux cas, les mêmes parties de la main qui éprouveront la pression ; ce n’est que par les différentes positions que ma main doit prendre dans l’un ou l’autre cas que mon entendement construit la forme du corps dont l’attouchement a été la cause de la sensation ; et l’entendement confirme son opération en faisant varier les points de contact. Quand un aveugle-né palpe un objet de forme cubique, les sensations de sa main sont tout à fait uniformes pendant le contact et les mêmes de tous, les côtés et dans toutes les directions : les arêtes pressent, il est vrai, une moindre portion de la main ; il n’y a rien cependant dans toutes ces sensations qui ressemble le moins du monde à un cube. Mais de la résistance qu’il a sentie, son entendement conclut immédiatement et intuitivement à une cause de la résistance, et cette cause, par là même, se représente comme un corps solide ; au moyen des mouvements que font ses bras, pendant que la sensation des mains reste la même, il construit, dans l’espace dont il a la notion à priori, la forme cubique du corps. S’il ne possédait pas déjà à l’avance la notion d’une cause et d’un