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DE LA PREMIÈRE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

est, remplissant l’espace dans ses trois dimensions, se mouvant selon la marche inexorable et rigoureuse du temps, réglé à chacun de ses pas par cette loi de causalité qui ne souffre pas d’exception, n’obéissant, sous tous ces rapports, qu’à des lois que nous pouvons énoncer avant toute expérience a leur égard, — que ce monde, dis-je, existerait là dehors, tout objectivement réel et sans notre concours, mais qu’ensuite il arriverait à entrer, par une simple impression sur les sens, dans notre tête, où, comme là dehors, il se mettrait à exister une seconde fois. Car quelle pauvre chose en définitive n’est pas la sensation seule ! Même dans les organes des sens les plus nobles, elle n’est rien de plus qu’un sentiment local, spécifique, capable de quelque variation dans le cercle de son espèce, mais néanmoins toujours subjectif en soi et, comme tel, ne pouvant rien contenir d’objectif, par conséquent rien qui ressemble à une perception. Car la sensation, de quelque espèce qu’elle soit, est et demeure un fait qui se produit dans l’organisme même, limité, comme tel, à la région sous-cutanée, et ne pouvant dès lors rien contenir par soi-même qui soit situé au delà de la peau, par conséquent en dehors de nous. Elle peut être agréable ou pénible, — ce qui indique un rapport avec notre volonté, — mais dans aucune sensation il ne se trouve quelque chose d’objectif. Dans les organes des sens, la sensation est exaltée par la confluence des extrémités nerveuses ; elle y est facilement excitable du dehors, vu l’expansion de ces dernières et la mince enveloppe qui les recouvre ; en outre, elle y est tout particulièrement ouverte à toutes les influences