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RAISON SUFFISANTE DU DEVENIR

soit. Non seulement on transforme les forces naturelles en causes, quand on dit par exemple : l’électricité, la pesanteur, etc., est cause : mais il y en a même qui en font des effets, puisqu’ils s’enquièrent de la cause de l’électricité, de la pesanteur, etc. ; ce qui est absurde. Mais il en est tout autrement quand on réduit le nombre des forces naturelles, par là qu’on ramène une de ces forces à quelque autre, comme de nos jours on a ramené le magnétisme à l’électricité. Toute force naturelle vraie, c’est-à-dire réellement primitive, — et toute propriété chimique fondamentale est de cette nature, — est essentiellement qualitas occulta ; ce qui veut dire qu’elle n’admet plus d’explication physique, mais seulement une explication métaphysique, c’est-à-dire passant par-delà le phénomène. Aucun philosophe n’a poussé aussi loin la confusion, ou plutôt l’identification de la force naturelle avec la cause, que Maine de Biran dans ses Nouvelles considérations des rapports du physique au moral, parce qu’elle est essentielle à sa doctrine. En même temps, il est curieux d’observer que, lorsqu’il parle de causes, il ne dit presque jamais « cause » tout court, mais chaque fois « cause ou force », tout comme nous avons vu plus haut, au paragraphe 8, Spinoza dire huit fois dans une même page « ratio sive causa ». C’est que tous deux savent bien qu’ils identifient deux notions disparates, afin de pouvoir, selon les circonstances, faire valoir tantôt l’une de ces notions, tantôt l’autre : à cet effet, ils sont donc obligés de tenir cette identification toujours présente à l’esprit du lecteur.

Maintenant cette causalité, qui préside à tout changement,