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DE LA PREMIÈRE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

mais par là même toujours et partout existantes, partout présentes, inépuisables, toujours prêtes à se manifester dès que, guidée par la causalité, l’occasion s’en présente. La cause est toujours, ainsi que son effet, quelque chose d’individuel, un changement unique : la force naturelle au contraire est quelque chose de général, d’invariable, de présent en tout lieu comme en tout temps. Par exemple, l’ambre attirant en ce moment un flocon, voilà un effet : sa cause, c’est que l’on avait frotté précédemment et approché actuellement l’ambre ; et la force naturelle qui a agi ici et qui a présidé à l’opération, c’est l’électricité. On trouvera ce sujet, exposé au moyen d’un exemple plus explicite, dans Le monde comme volonté et représentation, volume 1er, paragraphe 26, où j’ai montré, par un long enchaînement de causes et d’effets, comment les forces naturelles les plus variées apparaissent et entrent en jeu dans le phénomène ; par cet exemple, la différence entre la cause et la force naturelle, entre le phénomène fugitif et la forme éternelle d’activité, est rendue facilement saisissable ; comme tout ce long paragraphe 26 y est consacré à étudier cette question, l’exposé sommaire que j’en ai donné ici doit suffire. La règle à laquelle est soumise toute force naturelle en ce qui concerne sa manifestation dans la chaîne des causes et effets, ainsi donc le lien qui l’unit à cette chaîne, c’est la loi naturelle. Cependant la confusion entre une force naturelle et une cause est très fréquente et tout aussi pernicieuse pour la clarté de la pensée. Il semble même qu’avant moi personne n’avait nettement séparé ces notions, quelque nécessaire que ce