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DE LA PREMIÈRE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

d’un pur phénomène cérébral. La loi de la gravitation, de toutes les lois naturelles la plus générale et la moins sujette à exception, est déjà d’origine empirique, par conséquent sans garantie pour son universalité ; aussi la voit-on encore contester parfois ; des doutes s’élèvent aussi de temps en temps sur la question de savoir si elle s’applique également au-delà de notre système solaire, et les astronomes ne manquent jamais non plus de faire ressortir tous les indices et toutes les constatations qu’ils en peuvent trouver occasionnellement, prouvant par ce fait même qu’ils la considèrent comme simplement empirique. On peut certainement poser la question si, entre corps qui seraient séparés par un vide absolu, la gravitation se manifesterait encore ; ou si, dans notre système solaire, elle ne se produirait pas par l’entremise d’un éther, et si, par suite, elle pouvait agir entre étoiles fixes : ce qui ne pourrait alors être décidé qu’empiriquement. Tout cela prouve que nous n’avons pas affaire ici à une connaissance à priori. Quand, au contraire, nous admettons, ainsi qu’il est vraisemblable, que chaque système solaire s’est formé par la condensation progressive d’une nébuleuse cosmique originaire, selon l’hypothèse de Kant-Laplace, nous ne pouvons pas néanmoins penser un seul moment que cette matière première soit née du néant, et nous sommes obligés de supposer ses particules comme ayant existé auparavant quelque part et comme n’ayant fait que se rencontrer ; et tout cela précisément parce que le principe de la permanence de la substance est transcendantal.