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DE LA PREMIÈRE CLASSE D'OBJETS POUR LE SUJET

le bras et te présenter de nouveau aux gens ; seulement, nous te le répétons, incognito ; et ça marchera ! Donc, tout d’abord, ton thème va s’appeler désormais l’Absolu » ; cela sonne comme un terme bizarre, digne et important, — et nous savons mieux que personne tout ce qu’on peut entreprendre auprès des Allemands en se donnant des airs importants : ce qu’on entend par ce mot ? eh mais ! tout le monde le comprend et se croit encore très savant par-dessus le marché. Quant à toi-même, il faut que tu te présentes déguisée, sous la figure d’un enthymème. Dépose bien soigneusement au vestiaire tous ces prosyllogismes et ces prémisses, par lesquels tu nous traînais jusqu’au sommet de ton interminable climax : on sait trop aujourd’hui que tout cela, n’a aucun fondement. Faisant alors ton apparition, jouant le rôle d’un personnage sobre de paroles, fier, audacieux et important, d’un bond tu arriveras au but. « L’Absolu, crieras-tu (et nous ferons chorus), voilà qui doit être, quand le diable y serait, sans quoi il n’existerait plus rien du tout ! » (Ici, tu frappes du poing sur la table.) « Vous demandez d’où cette chose pourrait bien venir ? Quelle sotte question ! ne vous ai-je pas dit que c’est l’Absolu ? » — Ça marche, ma parole d’honneur, ça marche ! Les Allemands sont habitués à accepter des mots en place de notions : nous les y dressons à fond dès leur jeunesse ; — voyez seulement les écrits de Hegel ; qu’est-ce, sinon un fatras de paroles, vide, creux et qui soulève le cœur ? Et cependant quelle brillante carrière que celle de ce philosophe valet de ministre ! Il ne lui a fallu pour cela que quelques lâches compères, qui entonnassent la