Page:Schopenhauer - De la quadruple racine, 1882, trad. Cantacuzène.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
54
DE LA PREMIÈRE CLASSE D'OBJETS POUR LE SUJET

édifiante, lorsque, d’une voix emphatique et émue, ils prononcent le « first cause », — cette contradictio in adjecto. Ils le savent très bien, qu’une première cause est exactement aussi impossible à penser que l’endroit où l’espace finit ou que l’instant où le temps a commencé. Car chaque cause est un changement à l’occasion duquel on doit nécessairement demander quel est le changement qui l’a précédé, et ainsi de suite in infinitum, in infinitum ! On ne peut même pas concevoir un premier état de la matière dont tous les états suivants seraient issus, du moment que ce premier état ne continue pas d’être. Car, si c’est en soi qu’il eût été leur cause, tous ces états auraient aussi dû être de tout temps, et l’état actuel n’aurait pas pu n’être qu’en cet instant. Si, au contraire, il n’a commencé d’être causal qu’à un moment donné, il faut qu’à ce moment quelque chose soit venu le changer, pour qu’il ait cessé d’être en repos ; mais alors il est intervenu quelque chose, il s’est produit un changement dont nous devons immédiatement demander la cause, c’est-à-dire le changement qui a précédé ce changement ; et alors nous nous trouvons sur l’échelle des causes que l’inexorable loi de la causalité nous contraint de gravir, d’échelon en échelon, toujours plus haut, et plus haut encore, — in infinitum, in infvnitum. (Ces messieurs auront-ils par hasard l’impudence de venir me soutenir que la matière elle-même est née du néant ? Il y a plus loin, à leur service, quelques corollaires pour leur répondre.) La loi de causalité n’est donc pas assez complaisante pour qu’on en puisse user comme d’une