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RAISON SUFFISANTE DU DEVENIR

dire, bien que cela n’ait pu lui échapper, c’est que la cause est également un changement ; d’où il résulte que toute cette opération n’est simplement que l’enchaînement non interrompu des changements se succédant dans le temps ; il se borne à appeler toujours et très maladroitement la cause un objet ou bien encore une substance qui précède le changement. C’est à cause de cette expression, si radicalement fausse et qui gâte toutes ses explications, qu’il se démène et se débat péniblement durant tout son interminable ouvrage, allant ainsi, à l’opposé de ce qu’il connaît être la vérité et à l’opposé de sa conscience. Et tout cela pour ne pas créer un obstacle à la preuve cosmologique, que lui-même et d’autres auraient à établir ultérieurement. — Que doit-il en être d’une vérité à laquelle on doit frayer la route par de semblables menées ?

Mais voyons un peu ce que nos bons et loyaux professeurs de philosophie, gens qui estiment l’esprit et la vérité par-dessus tout, ont fait de leur côté pour cette très précieuse démonstration cosmologique, depuis que Kant, dans la Critique de la raison, lui eût porté le coup mortel ! Quelque bonne inspiration valait son pesant d’or en cette occurrence ; car (ils le savent bien, ces estimables messieurs, quoiqu’ils ne le disent pas) la « causa prima », tout aussi bien que la « causa sui », est une contradictio in adjecto ; mais la première expression est plus fréquemment employée que la seconde ; on a coutume de ne la prononcer qu’en prenant une mine bien grave, solennelle même ; il y en a, particulièrement les « Reverends » anglais, qui tournent leurs yeux d’une manière tout à fait