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DE LA PRÉSENCE IMMÉDIATE DES REPRÉSENTATIONS

à l’avènement de la philosophie moderne, est venu se placer l’idéalisme, qui a gagné de plus en plus de terrain. Représenté d’abord par Malebranche et Berkeley, il fut élevé par Kant à la puissance d’un idéalisme transcendantal, qui rend intelligible la coexistence de la réalité empirique et de l’idéalité transcendantale des choses ; Kant, dans la Critique de la raison pratique, s’exprime entre autres en ces termes : « J’appelle idéalisme transcendantal de tous les phénomènes la doctrine en vertu de laquelle nous les considérons tous, tant qu’ils sont, comme de pures représentations et non comme des choses en soi[1]. » Plus loin, dans la note[2], il ajoute : « L’espace n’est lui-même que représentation ; donc, ce qui est dans l’espace doit être contenu dans la représentation ; et rien n’y existe qu’autant que réellement représenté en lui. » (Crit. du 4e paralogisme de la Psych. transe., p. 369 et 375 de la 1re édition [allem.].) Enfin, dans la « Réflexion » annexée à ce chapitre, il dit : « Si je supprime le sujet pensant, du coup doit disparaître le monde matériel tout entier, qui n’est autre chose que le phénomène pour la sensibilité de notre sujet, et une sorte de représentation pour lui[3]. » Dans l’Inde, l’idéalisme est, pour le brahmanisme aussi bien que pour le bouddhisme, le dogme même de la religion populaire : ce n’est qu’en Europe, et par suite des principes essentiellement et absolument réalistes du judaïsme, que ce système

  1. Comp. Tissot, p. 76 du tome II (Le trad.)
  2. Cette note manque dans la traduction de M. Tissot ; elle devrait s'y trouver en bas de la page 82 (Le trad.)
  3. Comp. Tissot, p. 90, t. II. (Le trad.)