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ANALYSE TRANSCENDANTALE DE LA RÉALITÉ EMPIRIQUE

de cette classe, il n’y aurait point de changement : car changement, ou variation, c’est succession d’états ; or la succession n’est possible que dans le temps. Aussi peut-on définir également le temps comme étant la possibilité de destinations opposées pour le même objet.

Nous voyons donc que les deux formes des représentations empiriques, bien qu’ayant en commun la divisibilité et l’extensibilité infinies, se distinguent radicalement l’une de l’autre par là, que ce qui est essentiel pour l’une n’a aucune signification pour l’autre ; la juxtaposition n’a aucun sens dans le temps, ni la succession dans l’espace. Et cependant les représentations empiriques qui forment l’ensemble normal de la réalité apparaissent à la fois sous les deux formes ; et même l’union intime, de toutes les deux est la condition de la réalité qui on dérive, à peu près comme un produit dérive de ses facteurs. Ce qui réalise cette union, c’est l’entendement ; en vertu de sa fonction toute spéciale, il unit ces formes hétérogènes de la perception sensible, de façon que de leur pénétration réciproque résulte, bien que pour lui seul, la réalité empirique comme une représentation collective : cette représentation forme un tout relié et maintenu par les formes du principe de la raison, mais dont les limites sont problématiques[1] ; les représentations individuelles appartenant à cette première classe sont les parties de cet

  1. « Mit problematischen Graenzen » J'ai conservé dans la traduction le mot problématiques, bien qu’indéterminées rendrait mieux, me semble-t-il, la pensée de Schopenhauer (Le trad.)