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ce qui a été exposé sur le principe

cela témoigne de l’importance qu’a le thème, du présent essai.

À ces erreurs de ces deux grands esprits des siècles précédents, erreurs nées d’un défaut de netteté dans la pensée, M. de Schelling est venu de nos jours ajouter un petit acte final, en s’efforçant de poser le troisième degré à la gradation que nous venons d’exposer. En effet, si Descartes avait obvié aux exigences de l’inexorable loi de causalité qui acculait son Dieu dans ses derniers retranchements, en substituant à la cause demandée un principe de connaissance afin de calmer l’affaire et si Spinoza avait fait de ce principe une cause effective et par suite la « causa sui », par quoi Dieu devint pour lui l’univers, M. de Schelling (dans son Traité de la liberté humaine) sépara en Dieu même le principe et la conséquence ; il consolida la chose encore bien mieux par là qu’il l’éleva à l’état d’une hypostase réelle et corporelle du principe et de sa conséquence, en nous faisant connaître en Dieu « quelque chose qui n’est pas Dieu même, mais son principe, comme principe primordial (Urgrund), ou plutôt comme négation de principe, comme principe sans fondement (Ungrund). » Hoc quidem vere palmarium est. — Du reste, on sait parfaitement aujourd’hui qu’il a puisé toute cette fable dans le Rapport approfondi sur le mystère de la terre et du ciel de Jacob Böhme ; mais il ne semble pas que l’on connaisse où Jacob Böhme lui-même a pris la chose et quelle est la véritable origine de ce Urgrund ; c’est pourquoi je me permets de l’indiquer ici. C’est le « βύθος » (c’est-à-dire abyssus, vorago, ainsi donc, profondeur sans fond, abîme) des