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PARERGA ET PARALIPOLENA

ment la chose en soi, etc. Un passage du Rapport entre la philosophie naturelle et celle de Fichte se moque expressément de « ceux qui s’étonnent vraiment que rien puisse ne pas être et qui ne peuvent assez s’émerveiller qu’il existe réellement quelque chose. » II semble ainsi à M. de Schelling que tout cela se comprend de soi. Au fond, tout ce verbiage, drapé dans des phrases pompeuses, n’est qu’un appel au sens soi-disant commun, c’est-à-dire au sens brutal. Je dois rappeler ici du reste ce que je dis au commencement du ch. 17, vol. Il de mon grand ouvrage. Très intéressant pour le sujet qui nous occupe, et très naïf aussi, est encore le passage suivant du livre cité ci-dessus de Schelling : « Si l’empirisme avait donné tous ses résultats, son antagonisme avec la philosophie, et la philosophie elle-même comme sphère spéciale ou branche de la science, disparaîtraient ; toutes les abstractions se résoudraient dans l’intuition directe et « riante » : ce qu’il y a de plus élevé serait un jeu divertissant et naïf, le difficile deviendrait facile, ce qui est inaccessible aux sens deviendrait sensible, et l’homme pourrait, libre et joyeux, lire dans le livre de la nature. » Cela serait en vérité tout à fait charmant ! Mais nous n’en sommes pas encore là : on ne peut pas mettre ainsi toute pensée à la porte. Le sphinx antique et sérieux, avec son énigme, est couché là, immobile, et n’ira pas se précipiter à bas de son rocher parce que vous aurez déclaré qu’il n’est qu’un fantôme. Schelling lui-même, ayant senti plus tard que les problèmes métaphysiques ne se laissent pas écarter par des décisions autoritaires, essaya d’une démonstration