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APPENDICE

écrits de Schelling, comme un accompagnement obligé, est en rapport avec les allures que nous avons montrées appartenir à ces gens. — S’il n’en avait pas été ainsi, si l’on avait procédé avec probité, au lieu de prendre le ton impérieux et fanfaron, Schelling, le mieux doué des trois sans contredit, aurait pu occuper en philosophie le rang subordonné d’un éclectique provisoirement très utile, en ce sens qu’il avait fabriqué avec les doctrines de Plotin, Spinoza, Jacob Bohm, Kant, et avec les sciences naturelles modernes, un amalgame qui pouvait combler momentanément le grand vide qu’avaient produit les résultats négatifs de la philosophie kantienne, jusqu’à l’avènement d’une philosophie réellement neuve qui contenterait les exigences soulevées par l’autre. Il a nommément employé la science naturelle de notre siècle à animer le panthéisme abstrait de Spinoza. Celui-ci, sans aucune connaissance de la nature, avait fait de la philosophie oiseuse, basée sur de simples notions abstraites, dont il avait composé son corps de doctrine, ignorant à vrai dire les choses elles-mêmes. Avoir revêtu ce squelette desséché de chair et de couleur, lui avoir communiqué, autant que cela pouvait se faire, de la vie et du mouvement à l’aide de la science de la nature, parvenue alors déjà à un degré avancé, bien que souvent les applications qu’il en faisait fussent fausses, voilà le mérite incontestable de Schelling dans sa philosophie naturelle, qui est aussi ce qu’il a fait de meilleur parmi ses différents essais.

Comme des enfants jouent avec les armes ou avec d’autres instruments destinés à être maniés par des