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DESCARTES

teur, puisque saint Anselme n’en avait donné qu’une indication générale. Car, immédiatement à la suite des axiomes dont celui que nous avons cité est le premier, il pose formellement et sérieusement cette démonstration ontologique ; en réalité, elle est déjà énoncée dans cet axiome, ou, tout au moins, elle y est contenue aussi formée que le poussin dans un œuf longtemps couvé. Ainsi donc, pendant que toutes les autres choses demandent une cause de leur existence, au lieu de cette cause, pour Dieu, que l’on a fait arriver par l’échelle de la démonstration cosmologique, il suffit de cette immensitas, comprise dans sa propre notion, ou, comme s’exprime la démonstration elle-même : « In conceptu entis summe perfecti, existentia necessaria continetur. » C’est donc là le tour de passe-passe pour l’exécution duquel on s’est servi immédiatement, in majorem Dei gloriam, de cette confusion déjà familière à Aristote entre les deux significations principales du principe de la raison.

Examinée au grand jour et sans préventions, cette fameuse démonstration ontologique est vraiment une bouffonnerie des plus plaisantes. Quelqu’un, à une occasion quelconque, se crée une notion, qu’il compose de toutes sortes d’attributs, parmi lesquels il a soin qu’il se trouve aussi l’attribut de réalité ou d’existence, soit que cet attribut soit crûment et ouvertement énoncé, soit, ce qui est plus convenable, qu’il soit enveloppé dans quelque autre attribut, tel que, par exemple, perfectio, immensitas ou quelque chose d’analogue. Or il est connu que l’on peut extraire d’une notion donnée, au moyen de simples juge-