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PARERGA ET PARALIPOLENA

de la recherche paisible, qui caractérisait tous les philosophes leurs devanciers, a été échangé contre celui d’une assurance inébranlable, propre au charlatanisme de tous les genres et de tous les temps, et qui se fonde chez eux sur une prétendue intuition intellectuelle immédiate, ou sur un raisonnement absolu, c’est-à-dire indépendant de l’individu et de sa faillibilité. Chaque page, chaque ligne s’efforce manifestement de surprendre, de tromper le lecteur, tantôt de le déconcerter en imposant son autorité, tantôt de l’abasourdir par des phrases inintelligibles ou du pur non-sens, d’autres fois de le stupéfier par l’impudence dans les affirmations, bref de lui jeter de la poudre aux yeux et de le mystifier aussi bien que possible. Aussi le sentiment que l’on éprouve par la transition dont il est question est-il, par rapport à la théorie, le même que celui qu’aurait, par rapport à la pratique, un homme sortant d’une société de gens honorables pour tomber dans un repaire de filous. Christian Wolf, tant dédaigné, tant vilipendé par ces trois sophistes, est cependant un digne homme ; comparé à eux. Il avait et il suggérait de vraies pensées ; eux n’ont que des images de mots, des phrases, à l’effet d’abuser. Ainsi le vrai caractère distinctif de la philosophie de toute cette école soi-disant post-kantienne, c’est l’improbité, son élément le charlatanisme, et l’intérêt personnel son but. Ses coryphées ne travaillaient qu’à paraître, non à être ; ils sont donc des sophistes et non des philosophes. La risée de la postérité, pour eux et pour leurs admirateurs, après quoi l’oubli, voilà ce qui les attend. Pour le dire en passant, ce ton de querelle et de réprimande qui court à travers les