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LA DOCTRINE DE L’IDÉAL ET DU RÉEL

salité, avec la substance étendue de Spinoza et avec la matière de Locke ; comme le réel, il reste uniquement la volonté, que tous mes prédécesseurs, sans avoir médité et envisagé suffisamment la question, avaient rejetée du côté de l’idéal, comme étant un simple résultat de la représentation et de la pensée, que Descartes et Spinoza identifiaient même avec le jugement[1]. Par là, ma Morale aussi se rattache directement à la métaphysique, et bien plus étroitement que dans tout autre système, et par là encore la valeur morale du monde et de l’existence a été, plus que jamais, établie sur des bases solides. Volonté et représentation sont fondamentalement distinctes l’une de l’autre, en ce qu’elles constituent l’opposition extrême et essentielle dans toutes les choses de l’univers et ne laissent rien en dehors d’elles. L’objet représenté et sa représentation sont la même chose, mais l’objet représenté seulement, non pas l’objet en soi-même ; celui-ci est toujours volonté, sous quelque forme qu’il puisse se présenter dans notre représentation.

  1. Spinoza, I. c. — Descartes, in Meditationibus de prima philosophia, Médit. 4, p. 28.