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LA DOCTRINE DE L’IDÉAL ET DU RÉEL

occupations de bas étage, purent suivre leur haute vocation, sans avoir à s’inquiéter des clabauderies des prêtres, ni du radotage ou des menées perfides des professeurs de philosophie, leurs contemporains respectifs.

Locke, fidèle à son rigoureux empirisme, ne nous faisait aussi connaître que par l’expérience la relation de causalité ; Hume ne vint pas combattre cette fausse donnée, ainsi qu’il eût été juste de le faire ; mais, dépassant aussitôt le but, il nia la réalité même de ce rapport, en se fondant sur cette observation, vraie en soi, que l’expérience ne peut jamais donner plus que la suite des choses telles qu’elles se succèdent, et qu’elle ne nous apprend rien sur les véritables causes et effets, sur les rapports nécessaires, sensibles et immédiats. Tout le monde sait que cette objection sceptique de Hume provoqua les recherches bien autrement approfondies de Kant, dont le résultat fut que la causalité, et avec elle le temps et l’espace, sont des objets à priori de notre connaissance, c’est-à-dire existent en nous avant toute expérience et appartiennent ainsi à la partie subjective de la connaissance ; il s’ensuit encore que toutes ces propriétés primaires ou absolues des choses, établies par Locke, n’étant composées que de simples déterminations de temps, d’espace et de causalité, ne sauraient être inhérentes à la chose en soi, mais dépendent de notre mode d’aperception ; elles n’appartiennent donc pas au réel, mais à l’idéal : d’où il ressort finalement que sous aucun rapport nous ne reconnaissons les choses telles qu’elles sont en soi, mais purement et simplement telles qu’elles apparaissent. Le réel, la chose en