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PARERGA ET PARALIPOLENA

visible, c’est-à-dire de toutes nos représentations. La réalité d’existence n’appartient qu’aux êtres doués de connaissance et de volonté, dont nous faisons aussi partie : ceux-là donc, avec Dieu, composent le réel. Ils sont esprits, c’est-à-dire, précisément des êtres connaissant et voulant : car lui aussi considère la volonté et la connaissance comme absolument inséparables. Il a encore ceci de commun avec ses devanciers, qu’il suppose Dieu pour plus connu que le monde présent, et qu’en rapportant la question à Dieu il croit avoir fourni une explication. Mais surtout sa qualité de prêtre, même d’évêque, lui imposait des liens très lourds et l’obligeait à se maintenir dans un cercle très restrictif d’idées qu’il ne devait choquer sur aucun point ; c’est pourquoi, ne pouvant s’avancer davantage, il devait amener le vrai et le faux à s’accommoder dans sa tête, aussi bien que faire se pouvait. Cette remarque peut être étendue aux ouvrages de tous ces philosophes, à l’exception de Spinoza ; ce qui les gâte tous, ce qui a chaque pas vient barrer le chemin à la vérité, c’est le théisme juif, inaccessible à tout examen, mort à toute discussion, véritable idée fixe ; de sorte que le mal qu’il cause ici en théorie est le pendant de celui que pendant dix siècles il a fait pratiquement, par les guerres de religion, les tribunaux ecclésiastiques et les conversions de peuples par le glaive.

On ne saurait méconnaître la plus proche parenté entre Malebranche, Spinoza et Berkeley ; aussi les voyons-nous procéder tous trois de Descartes par là qu’ils se sont emparés du problème fondamental énoncé par lui sous