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PARERGA ET PARALIPOLENA

tinction qui est le problème fondamental soulevé par Descartes, ne le soit pas non plus. Le représentant et le représenté peuvent parfaitement être de même espèce ; la question n’en reste pas moins de savoir si des représentations dans mon cerveau je puis conclure avec assurance à l’existence de choses qui soient distinctes de cette image, de choses en soi, c’est-à-dire existant indépendamment de leur représentation. La difficulté n’est pas celle que Leibnitz surtout a voulu faussement établir (entre autres : Théod., p, I, § 59), à savoir qu’entre les âmes et le monde des corps, qu’il admet comme étant deux espèces de substances entièrement hétérogènes, il n’y a pas d’influence ni de communauté possibles, en vue de quoi il nie l’influence physique : car cette difficulté n’est qu’une question de psychologie rationnelle et n’a qu’à être mise de côté comme simple fiction, ainsi que l’a fait Spinoza ; et, de plus, on peut faire valoir contre ceux qui soutiennent cette fiction, comme argument ad hominem, leur propre dogme qui consiste à dire que Dieu, qui est un esprit pourtant, a créé et continue de gouverner le monde des corps, de sorte qu’un esprit peut agir immédiatement sur des corps. La seule difficulté plutôt est et demeure celle soulevée par Descartes, que le monde, qui seul nous est donné immédiatement, est absolument idéal, c’est-à-dire composé uniquement de représentations dans notre tête ; en même temps qu’allant au delà nous entreprenons de juger d’un monde réel, c’est-à-dire, existant indépendamment de notre représentation. Ainsi donc, en supprimant toute différence entre la substance pen-