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PARERGA ET PARALIPOLENA

penhauer). On a depuis répété bien des fois sa proposition, seulement parce qu’on en entrevoyait l’importance, mais sans en comprendre exactement ni le sens ni le but. (Voy. Descartes, Méditat., Méd. II, p. 14.) C’est donc lui qui a découvert l’abîme qui sépare le subjectif ou idéal de l’objectif ou réel. Il enveloppa cette vue dans le doute sur l’existence du monde extérieur, et la pitoyable voie à laquelle il a recours pour sortir de ce doute, — à savoir que le bon Dieu ne voudrait certainement pas nous tromper, — montre combien le problème est profond et difficile à résoudre. Toutefois, par lui ce scrupule s’était fait place dans la philosophie et devait continuer à l’agiter jusqu’à ce qu’on le résolût à fond. Dès ce moment, il était irrévocablement constaté qu’il ne pouvait y avoir de système certain et satisfaisant en dehors de la connaissance et de l’élucidation de la différence signalée, et la question ne pouvait plus être mise de côté.

Afin de la résoudre, Malenranche, d’abord, imagina le système des causes occasionnelles ! Il saisit le problème lui-même dans toute sa portée, avec plus de netteté, de sérieux et de profondeur que Descartes (Recherche de la vérité, liv. III, 2e partie). Ce dernier avait admis la réalité du monde extérieur sur le crédit de Dieu. Cela faisait un étrange effet, pendant que les autres philosophes théistes s’efforçaient de prouver l’existence de Dieu par celle de l’univers, de voir, à l’inverse, Descartes conclure de l’existence et de la véracité de Dieu à l’existence de l’univers : c’est la démonstration cosmologique renversée. Faisant encore un pas de plus, Malebranche