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DE LA QUATRIÈME CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

Comme, en supposant un sujet, l’objet se trouve supposé du même coup (car sans cela le mot même n’a plus de signification), et réciproquement, l’objet étant supposé, le sujet se trouve l’être en même temps ; comme, par conséquent, être sujet signifie exactement la même chose qu’avoir un objet, et être objet la même chose qu’être connu par un sujet ; de même identiquement, quand un objet est déterminé de n’importe quelle manière, immédiatement le sujet est posé comme connaissant absolument de la même manière. En ce sens, il est indifférent de dire : les objets ont telles ou telles conditions inhérentes et spéciales, ou bien : le sujet connaît de telle ou telle manière ; de même il est indifférent de dire : les objets doivent être rangés dans telles classes, ou le sujet est doué de telles facultés distinctes de connaissance. On découvre aussi la trace de ces considérations dans Aristote, ce surprenant mélange de profondeur et de légèreté d’esprit ; on trouve même dans ses écrits le germe d’une philosophie critique. Il dit, dans le De anima, III, 8 : « ἡ ψυχή τά ὄντα πως ἐστί πάντα » (anima quodammodo est universa, quæ sunt) ; plus loin, il ajoute : « ὁ νοῦς ἔστι εἶδος ἐιδῶν, c’est-à-dire l’entendement est la forme des formes, ϰαὶ ἡ ἄισθησις εἶδος ἀισθητῶν et la sensibilité est la forme des objets sensibles. » Il s’ensuit que dire : « sensibilité et entendement n’existent plus » ; ou : « le monde a cessé d’être », c’est dire la même chose. Également : « il n’y a plus de concepts » ; et : « la raison a disparu ; il ne reste plus que des animaux, » expriment identiquement la même pensée.