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GÉOMÉTRIE

pour démonter que 7 + 5 = 12 n’est pas, comme le prétend Herder dans la Métacritique, une proposition identique, mais, comme Kant l’a trouvé avec pénétration, une proposition synthétique à priori, qui repose sur une pure intuition de l’esprit. 12 = 12, voilà une proposition identique.

En réalité, on ne fait donc appel à l’intuition, en géométrie, que pour les axiomes. Tous les autres théorèmes se démontrent, c’est-à-dire qu’on en donne le principe de connaissance, qui le fait nécessairement admettre pour vrai : on démontre donc sa vérité logique et non sa vérité transcendantale. (voir § 30 et 32). Cette dernière, qui se fonde sur le principe de l’être et non sur celui de la connaissance, ne peut jamais être perçue qu’intuitivement par l’intelligence. De là vient, qu’après une semblable démonstration géométrique on a bien la conviction que la proposition démontrée est vraie, mais que l’on ne saisit pas du tout pourquoi ce qu’énonce le principe est tel qu’il est : c’est-à-dire on ne voit pas sa raison d’être, et d’ordinaire c’est plutôt à ce moment que l’on commence à vouloir la connaître. Car la preuve qui consiste à donner le principe de connaissance ne produit que la conviction et non la compréhension ; par suite, il serait peut-être plus exact de l’appeler « elenchus » que « demonstratio ». Il s’ensuit qu’elle laisse habituellement après elle un sentiment désagréable, pareil à celui que donne toujours la conscience du manque de compréhension, et, dans notre cas, l’on commence à sentir qu’on ignore pourquoi une chose est telle, au moment même où l’on acquiert la conviction qu’elle est vraiment telle. Ce sentiment a de l’analogie