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GÉOMÉTRIE

ne pourrait rien au delà. Nous trouvons cependant la géométrie traitée tout différemment. Les douze axiomes d’Euclide sont seuls basés sur l’intuition, et, à la rigueur, les neuvième, onzième et douzième sont les seuls qui se fondent sur des intuitions séparées et différentes ; tous les autres procèdent de cette notion que, dans les sciences, on n’a pas affaire, comme dans l’expérience, à des objets réels qui existent les uns à côté des autres et peuvent varier à l’infini, mais à des notions abstraites, et, en mathématiques, à des intuitions normales, c’est-à-dire à des figures et à des chiffres qui font loi pour toute l’expérience et qui, par conséquent, unissent l’extension de l’idée générale à la certitude absolue de la représentation individuelle. Car, bien qu’à titre de représentations intuitives, elles soient toujours entièrement certaines et ne laissent ainsi aucune place à la généralité par quelque chose qui resterait encore indéterminé, elles n’en sont pas moins générales, car elles ne sont que les simples, formes de tous les phénomènes et sont valables, en cette qualité, pour tous les objets réels auxquels ces formes conviennent. Aussi pourrait-on dire de ces intuitions normales, même en géométrie, tout comme des notions abstraites, ce que dit Platon au sujet de ses « idées » ; à savoir, qu’il n’en peut exister deux qui soient pareilles, car elles ne feraient qu’un[1]. Ceci, dis-je, s’appliquerait aussi à ces intuitions

  1. On pourrait peut-être définir les idées platoniciennes, les intuitions normales de l’intelligence qui ne se réfèrent pas seulement, comme dans les mathématiques, à la partie formelle, mais encore à la partie matérielle des représentations complètes : elles seraient donc des représentations complètes qui en cette qualité, seraient absolument déterminées, et qui en même temps, comme les notions abstraites, comprendre