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LA RAISON

que faculté de penser, de méditer, de réfléchir, — à peu près comme on enlève à un enfant ses lisières sur un parterre de gazon, afin qu’il essaye ses forces, — pour voir ce qui en résultera. Ces essais et ces tentatives sont ce que l’on appelle la spéculation ; et il appartient à son essence de faire abstraction de toute autorité, soit divine, soit humaine, de n’en tenir aucun compte et de marcher par ses propres voies et à sa manière à la recherche des vérités les plus élevées et les plus importantes. Si maintenant, sur ce terrain, le résultat n’est autre que celui auquel notre grand Kant a abouti et que nous avons rapporté ci-dessus, elle ne doit pas, renonçant à toute probité et à toute conscience, prendre, comme un filou, des voies dérobées pour se replacer, par n’importe quel stratagème, sur le terrain judaïque comme sa condition sine qua non ; elle doit au contraire, franchement et simplement, se mettre à la poursuite de la vérité par d’autres routes qu’elle pourrait trouver s’ouvrant devant elles ; il est de son devoir de n’avoir jamais pour guide que les lumières de la raison et de toujours marcher en avant, sans s’inquiéter du but final auquel elle arrivera et avec l’assurance et le calme de celui qui accomplit une mission.

Mais nos professeurs de philosophie comprennent autrement la chose et s’imaginent ne pouvoir manger honorablement leur pain, aussi longtemps qu’ils n’ont pas replacé le Seigneur Dieu sur son trône (comme s’il avait besoin de leur aide) ; on peut par cela seul déjà se rendre compte pourquoi ils n’ont pu prendre goût à mes travaux et comment je ne suis pas leur homme ; car effectivement