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LA RAISON

la conversation continue ainsi pendant environ cent pages. — Je mentionne principalement tons ces faits, parce qu’il est scandaleux de voir comment, aujourd’hui encore, dans les écrits des érudits allemands, on identifie constamment, sans plus se gêner, religion et théisme, comme s’ils étaient synonymes, tandis que la religion est au théisme dans le rapport du genre à une espèce unique, et qu’en réalité il n’y ait que judaïsme et théisme qui soient synonymes ; c’est pourquoi aussi nous stigmatisons du nom générique de païens tous les peuples qui ne sont ni juifs, ni chrétiens, ni mahométans. Les mahométans et les juifs reprochent même aux chrétiens de n’être pas des théistes purs, à cause du dogme de la Trinité. Car le christianisme, quoi qu’on dise, a du sang indien dans le corps, et par là un penchant perpétuel à secouer le judaïsme. Si la Critique de la raison de Kant, qui est l’attaque la plus sérieuse qui ait jamais été tentée contre le théisme, — ce qui a été pour les professeurs de philosophie un motif pour la mettre de côté, — avait paru en pays de bouddhisme, d’après ce que nous avons relaté plus haut, on n’y aurait rien vu d’autre qu’un traité édifiant, ayant pour but de combattre radicalement leurs hérétiques et de fortifier avec efficacité le dogme orthodoxe de l’idéalisme, c’est-à-dire le dogme de l’existence purement apparente du monde qui s’offre à nos sens. Tout aussi athéistes que le bouddhisme sont les deux autres religions professées dans l’État voisin, la Chine, savoir celle de Tao-ssé et celle de Confucius : aussi les missionnaires n’ont pas pu traduire en chinois le premier verset du Pentateuque, vu que cette langue ne possède