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LA RAISON

Cette notion lui est entièrement étrangère, et on n’en trouve pas la moindre trace dans les livres bouddhiques. Il n’y a pas de création non plus ; l’univers visible a bien eu un commencement, mais il s’est formé du vide en vertu de lois naturelles, régulières et immuables. Mais on serait dans l’erreur si l’on croyait que les bouddhistes admettent ou révèrent quoi que ce soit, Destin ou Nature, comme principe divin : c’est plutôt le contraire, car ce développement du vide, ce précipité qu’il a produit ou ce morcellement infini, en un mot cette matière qui vient de naître, c’est le mal qui pèse sur le Jirtintschi ou Univers, dans sa condition interne et externe, et d’où est résulté le Ortschilang ou changement incessant d’après fies lois invariables, fondées elles-mêmes sur ce mal. » Dans une conférence tenue par le même à l’Académie de Saint-Pétersbourg, le 15 septembre 1830, il disait, p. 26 : « Le mot de création est inconnu au bouddhisme, qui n’admet que le développement des mondes ; » et p. 27 : « On doit se convaincre qu’avec ce système il ne peut se trouver chez les bouddhistes aucune idée d’une création primitive divine. » Je pourrais citer encore une foule de preuves à l’appui. Il est un point cependant sur lequel je veux encore appeler l’attention, parce qu’il est bien connu et en outre officiellement établi. Le troisième volume d’un ouvrage bouddhique très instructif, le Mahavansi, Raja-ratnacari and Raja-vali, from the Singhalese, by E. Upham, London, 1833, contient, traduits sur le texte des procès-verbaux hollandais, les interrogatoires officiels que le gouverneur hollandais de