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LA SECONDE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

celle de toutes les religions de la terre qui compte le plus d’adhérents, qui a donc pour elle la majorité dans l’humanité et peut, à ce titre, être dite la plus importante, nous verrons, à n’en pouvoir plus douter aujourd’hui, que le bouddhisme est aussi positivement et expressément athée qu’il est rigoureusement idéaliste et ascétique, à tel point que ses prêtres, quand on leur expose le dogme du théisme pur, le repoussent catégoriquement. On lit dans les Asiatic researches, vol. 6, p. 268, et dans Sangermano, Description of the Burmese empire, p. 81, que le grand-prêtre des bouddhistes à Ava, dans un mémoire qu’il remit à un évêque catholique, comptait parmi les six hérésies condamnables le dogme qui enseigne « qu’il existerait un être qui a créé le monde et toutes choses et qui seul mérite d’être adoré. » (Voir J.-J. Schmidt : Forschungen im Gebiete der altern Bildungsgeschichte Mittelasiens, Pétersbourg, 1824, p.-276). J.-J. Schmidt, savant distingué et que je considère comme l’homme, en Europe, le plus versé en matière de bouddhisme, dans son ouvrage : Ueber die Verwandtschaft der gnostischen Lehren mit dem Buddhaismus, p. 9, dit à ce sujet : « Dans les livres des bouddhistes, on ne trouve pas la moindre mention positive d’un Être suprême, comme principe de la création, et, là même où la question se présente logiquement d’elle-même, ils semblent l’éviter à dessein. » Dans l’ouvrage cité plus haut, p. 180, il dit encore : « Le système du bouddhisme ne reconnaît pas d’Être divin, éternel, incréé et unique, ayant existé de tout temps et créateur de toutes les choses visibles et invisibles.