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LA SECONDE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

s’est trouvé, même en France, quelques niais pour se laisser mystifier par ce conte bleu qu’ils vont débitant à leur tour ; mais le « bon sens » (sic) des Français aura bientôt fait de montrer la porte à la « raison transcendantale ». (sic).

Mais où donc ce mensonge a-t-il été ourdi, et comment ce conte est-il venu au monde ? — Je dois le reconnaître, c’est malheureusement la Raison pratique de Kant, avec son impératif catégorique, qui a donné l’impulsion premières. En effet, cette raison pratique une fois admise, il n’y avait simplement qu’à lui adjoindre, en guise de pendant, une raison théorique, revêtue, comme sa sœur jumelle, d’une souveraineté immédiate[1] et par suite prophétisant ex tripode les vérités métaphysiques. J’ai dépeint dans les Problèmes fondamentaux de l’éthique, auxquels je renvoie le lecteur, les brillants effets qui en ont découlé. Tout en accordant, comme je l’ai fait, que c’est Kant qui a fourni l’instigation à cette hypothèse mensongère, je dois néanmoins ajouter que pour qui aime à danser les violons sont bientôt trouvés. N’est-ce pas vraiment comme une malédiction qui pèse sur la race Bipède, qu’en vertu de cette affinité élective qui les attire vers le faux et le mauvais les hommes préfèrent, même dans les œuvres des grands esprits, les parties les plus défectueuses, ou tout bonnement les erreurs ; c’est là ce qu’ils louent et admirent, et ils ne font qu’accepter par-dessus le marché ce qui dans ces œuvres est vraiment

  1. « Reichs-unmittelbar, » par opposition à « Reichs-mittelbar, » souveraineté médiate ou médiatisée. (Le trad.)