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LA RAISON

des connaissances tirées de son propre fonds, et par conséquent fournissant des notions qui dépassent toute possibilité d’expérimentation, il devrait nécessairement régner parmi les hommes, sur les choses de la métaphysique et sur celles de la religion, puisque ce sont les mêmes, le même accord que sur les questions mathématiques, au point qu’il faudrait considérer comme n’étant pas dans son bon sens tout individu qui serait d’un avis divergent sur ces matières. Or, c’est précisément le contraire qui arrive ; il n’y a pas de thème qui divise plus le genre humain que celui-là. Depuis que les hommes ont commencé à penser, tous les systèmes philosophiques se disputent entre eux et sont parfois diamétralement opposés les uns aux autres ; et, depuis que les hommes croient (ce qui date de plus loin encore), les religions se combattent réciproquement par le fer et le feu, par l’excommunication et le canon. Avec la différence que, pour les cas individuels d’hétérodoxie, l’on avait non pas des asiles d’aliénés, mais les prisons de l’Inquisition avec toits leurs accessoires. En cela aussi, l’expérience témoigné donc hautement et impérieusement contre l’allégation mensongère d’une raison qui constituerait une faculté de connaissances immédiates et métaphysiques, ou, pour parler clairement, d’inspirations d’en haut. Il serait temps une fois de juger et condamner sévèrement un mensonge aussi maladroit et aussi palpable, colporté, horribile dictu, depuis cinquante ans par toute l’Allemagne, et transmis annuellement par la chaire aux bancs de l’école pour remonter ensuite des bancs à la chaire professorale. Il