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LA SECONDE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

la pensée, soit par l’intuition ; ce sont donc celles que nous connaissons à priori, sans le secours de l’expérience ; et elles se basent toujours sur des propositions renfermant une vérité transcendantale ou bien une vérité métalogique.

Mais une raison fournissant des connaissances matérielles à priori et par ses propres ressources, donnant des enseignements positifs et par delà toute expérience possible, et devant posséder pour cela des idées innées, une pareille raison est une pure fiction des professeurs de philosophie et un produit de la terreur provoquée en eux par la Critique de la raison pure. — Ces messieurs connaissent-ils un certain Locke ? l’ont-ils lu ? Oui, peut-être une fois par hasard, il y a longtemps, superficiellement, par-ci par-là, et en jetant sur le grand homme de ces regards qui témoignent de la conscience qu’on a de sa propre supériorité ; en outre, ils l’ont lu peut-être sur la mauvaise traduction de quelque traducteur à la ligne : car sur ce dernier point je dois dire que je ne vois pas la connaissance des langues modernes progresser dans la même proportion dans laquelle, et on ne saurait assez le déplorer, on voit diminuer celle des langues anciennes. Mais il est vrai de dire qu’ils n’ont pas eu de temps à consacrer à la lecture des ouvrages de ces vétérans ; où trouve-t-on aujourd’hui une connaissance réelle et approfondie de la philosophie de Kant, si ce n’est, et encore à grand’peine, chez quelques avares vieux ? Car la jeunesse de la génération aujourd’hui arrivée à l’âge mûr a dû être consacrée aux ouvrages de « Hegel, cette intelligence