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LA RAISON

ou bien : « La raison doit refréner les passions, » et autres semblables, ne veulent pas dire du tout que la raison fournit de son propre fond des connaissances matérielles, mais elles font allusion aux résultats de la réflexion raisonnée, c’est-à-dire aux conclusions logiques tirées des propositions que la connaissance abstraite, s’enrichissant par l’expérience, a accumulées peu à peu et par le moyen desquelles nous pouvons facilement et nettement, saisir non seulement ce qui est empiriquement nécessaire, donc ce que l’on peut prévoir le cas échéant, mais encore les motifs et les conséquences de nos propres actions. Toujours et partout, raisonnable ou conforme à la raison est synonyme de conséquent ou logique, et à l’inverse ; car la logique n’est justement que l’opération naturelle de la raison même énoncée sous la forme d’un système de règles ; ces expressions (raisonnable et logique) se rapportent donc l’une à l’autre, comme la pratique se rapporte à la théorie. C’est dans le même sens que l’on comprend par conduite raisonnable une conduite entièrement conséquente, c’est-à-dire procédant de notions générales et guidée par des idées abstraites, telles que des projets, et non pas déterminée par l’impression fugitive du présent : ce qui cependant ne décide rien touchant la moralité de la conduite, qui peut aussi bien être bonne que mauvaise. On trouvera des exposés très détaillés sur cette matière dans ma Critique de la philosophie kantienne et dans les Problèmes fondamentaux de l’éthique. Enfin les connaissances de la raison pure sont celles dont l’origine est dans la partie formelle de notre intellect opérant soit par