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LA RAISON

même finit-il par se douter qu’on lui parle là de quelques chose qui ressemble à des chimères. Si cependant il demande à connaître ces idées de plus près, alors on lui en sert de toutes les couleurs : ce sont tantôt les thèmes principaux de la scolastique, c’est-à-dire les idées de Dieu, d’une âme immortelle et d’un monde réel et objectivement existant ainsi que de ses lois ; malheureusement, Kant aussi, à tort et sans justification, je l’ai prouvé dans ma critique de sa philosophie, a appelé ces idées : idées de la raison ; il est vrai qu’il ne l’a fait que pour établir qu’elles ne sont absolument pas démontrables ni théoriquement justifiables ; tantôt, pour varier, on cite seulement Dieu, la liberté et l’immortalité ; parfois c’est l’Absolu, qui n’est autre que la démonstration cosmologique obligée de voyager incognito, ainsi que je l’ai fait voir ci-dessus au § 20 ; d’autres fois encore, c’est l’infini, comme opposition au Fini ; car c’est surtout à un pareil jargon que le lecteur allemand trouve son plein contentement, sans s’apercevoir qu’en définitive cela ne lui présente rien de clair, si ce n’est l’image de « ce qui a une fin » et de « ce qui n’en a pas ». « Le Bien, le Vrai, et le Beau », voilà encore de ces soi-disant idées très goûtées surtout par la partie sentimentale et naïve du public, bien que ce lie soient là, comme tant d’autres abstractions, que trois notions très abstraites, d’une très grande extension et par conséquent d’une très pauvre compréhension, par la raison qu’elles ont été formées au moyen d’une infinité d’individus et de rapports. Touchant leur contenu, j’ai montré, au § 29 ci-dessus, que la vérité