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LA SECONDE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

de connaissances immédiates, métaphysiques, c’est-à-dire, dépassant toute possibilité d’expérience, ; saisissant le monde des choses en soi et leurs rapports ; cette faculté devait par conséquent être avant tout une « connaissance de Dieu », c’est-à-dire qu’elle devait reconnaître directement le bon Dieu, déterminer à priori la manière dont il s’y était pris pour créer l’univers ; ou bien, si cela semblait trop trivial, comment, en vertu d’une action vitale plus ou moins nécessaire, il l’avait expulsé de son sein et pour ainsi dire engendré ; ou bien encore, ce qui est le plus commode, quoique en même temps du plus haut comique, de quelle façon, à l’instar des hauts personnages au terme d’une audience, il lui avait simplement « permis de se retirer » ; après quoi ce monde avait pu prendre sa course pour s’en aller où il lui plairait. Mais, je dois le dire, il a fallu l’effronterie d’un barbouilleur d’extravagances de la taille de Hegel pour avancer cette dernière opinion. Voilà donc les folles bouffonneries qui depuis cinquante ans, largement amplifiées, remplissent, sous le nom de connaissances de la raison, des centaines de volumes s’intitulant ouvrages philosophiques ; et l’on appelle cela, comme par ironie croirait-on, de la science, des vues scientifiques ; et l’on répète ce mot avec une insistance qui finit par soulever le cœur. La raison, que l’on affuble impudemment et mensongèrement de toute cette sagesse, est dite être la faculté du suprasensible ou, d’autres fois, des idées, bref une faculté placée en nous, créée expressément pour la métaphysique et fonctionnant en guise d’oracle. Toutefois il règne, depuis cinquante