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LA SECONDE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

ceci ne peut se faire sans un grand travail d’esprit et sans une attention très soutenue ; chez l’enfant, la force lui en est donnée par son désir d’apprendre, qui est très grand lorsqu’on lui présente ce qui lui est vraiment utile et nécessaire, et qui ne paraît faible que lorsqu’on veut lui imposer ce qui ne peut lui convenir. Par conséquent, en apprenant la langue, avec toutes ses tournures et ses finesses, en écoutant parler les grandes personnes, aussi bien qu’en parlant lui-même, l’enfant, même élevé sans instruction, développe sa raison et s’approprie cette logique réelle et concrète qui consiste, non dans les règles logiques, mais directement dans leur juste emploi ; tel un homme doué de dispositions musicales apprendra les règles de l’harmonie sans étudier les notes ni la basse fondamentale, mais simplement en jouant du piano d’après l’oreille. — Cette étude de la logique par l’étude de la langue, le sourd-muet seul est dans l’impossibilité de la faire ; aussi est-il presque aussi déraisonnable que l’animal, s’il n’a pas reçu, en apprenant à lire, cette éducation artificielle et toute spéciale qui remplace chez lui l’école naturelle de la raison.

§ 27. — De l’utilité des concepts.

La raison, ou faculté de penser, a pour base, comme nous l’avons montré plus haut, la faculté d’abstraction, autrement dit de former des concepts ; c’est donc leur existence dans la conscience qui amène dé si prodigieux