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LA SECONDE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

la représentation abstraite, la « motivation » également a changé de nature. Bien que la nécessité des actes ne soit pas moins impérieuse chez l’homme que chez l’animal, cependant la nature nouvelle de la motivation, qui se compose ici de pensées qui rendent possible le choix de la détermination (c’est-à-dire le conflit conscient des motifs), fait que, au lieu de s’exercer simplement par une impulsion reçue de choses présentes et sensibles, l’action s’accomplit en vertu d’intentions, avec réflexion, selon un plan, ou d’après des principes, ou des règles conventionnelles, etc. ; mais c’est, là ce qui amène aussi tout ce qui rend la vie humaine riche, artificielle et terrible à ce point que, dans cet Occident qui a blanchi son teint et où n’ont pu le suivre les antiques, vraies et profondes religions primitives de son ancienne patrie, l’homme ne connaît plus ses frères ; il a la folie de croire que les animaux diffèrent foncièrement de lui, et, pour s’entretenir dans cet égarement, il les désigne du nom de « bêtes » ; il applique, quand c’est d’eux qu’il s’agit, des noms injurieux à toutes les fonctions vitales qu’il a en commun avec eux ; il les déclare hors la loi et s’élève énergiquement contre l’évidence qui lui montre qu’eux et lui sont d’essence identique.

Et cependant toute la différence consiste, comme nous le disions plus haut, en ce qu’outre les représentations sensibles que nous avons étudiées dans le chapitre précédent et que les animaux possèdent également, l’homme admet encore dans son cerveau, qu’à cet effet principalement il a d’un volume si supérieur, les représentations abstraites,