Page:Schopenhauer - De la quadruple racine, 1882, trad. Cantacuzène.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
DE LA PREMIÈRE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

même avant toute expérience, que tout événement possible doit avoir une place déterminée dans quelqu’une de ces séries, la réalité et l’apriorité de la loi de causalité en découlent par là même ; quant à l’apriorité, la seule démonstration exacte qu’il y en ait est celle que j’ai donnée au § 21.

À côté de cette théorie de Kant que la succession objective ne peut être connue que par la liaison causale, on en trouve encore une autre dans la Critique de la raison pure, sous le titre de « Troisième Analogie de l’expérience », qui marche parallèlement à la première et selon laquelle la simultanéité n’est possible et n’est reconnaissable que par l’action réciproque. Sur ce thème, Kant va jusqu’à dire « que la simultanéité d’expériences (d’objets d’expérience) qui n’agiraient pas réciproquement les unes sur les autres, mais qui se trouveraient être séparées par un espace vide, ne pourrait faire l’objet d’une perception » (ce qui serait une preuve à priori qu’il n’y aurait pas d’espace vide entre les étoiles fixes), et « que la lumière qui « joue entre » notre œil et les corps célestes (cette expression semble sous-entendre que ce n’est pas seulement la lumière des étoiles qui agirait sur notre œil, mais aussi réciproquement celle de l’œil sur les étoiles) établit une communauté entre ces corps et nous et prouve ainsi leur existence simultanée. » Cette dernière partie est fausse même empiriquement, car l’aspect d’une étoile fixe ne prouve pas du tout qu’elle existe à ce moment-là en même temps que l’observateur, mais tout au plus qu’elle existait il y a quelques années,