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DE LA PREMIÈRE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

du navire. Il n’y a ici aucune différence, de même que, lorsqu’il s’agit de savoir si c’est ou non un événement, il n’y a pas de différence si je fais défiler devant moi une file de soldats ou si je longe moi-même la file ; les deux sont des événements. Si, du rivage, je fixe mon regard sur un navire qui le côtoie, il me semblera bientôt que le rivage marche avec moi et que le navire est stationnaire : ici je suis, il est vrai, dans l’erreur sur la cause du déplacement relatif, puisque j’attribue le mouvement à un faux objet ; mais cela ne m’empêche pas de reconnaître objectivement et exactement la succession réelle des positions relatives de mon corps par rapport au navire. Kant non plus, dans le cas posé par lui, n’aurait pas cru trouver une différence, s’il avait réfléchi que son corps est un objet entre des objets, et que la succession de ses perceptions empiriques dépend de là succession des impressions produites par les autres objets sur son corps, par conséquent que cette succession est objective, c’est-à-dire qu’elle s’opère entre objets et qu’elle est immédiatement (mais non pas médiatement) indépendante de la volonté du sujet ; elle, peut donc parfaitement être perçue, sans que les objets qui agissent successivement sur son corps aient entre eux quelque connexion causale.

Kant dit : On ne peut percevoir le temps ; donc empiriquement on ne peut percevoir comme objective aucune succession de représentations, c’est-à-dire qu’on ne peut les distinguer comme changements de phénomènes des changements de représentations simplement subjectives. Ce n’est que par la loi de la causalité, qui est une règle