Page:Schopenhauer - De la quadruple racine, 1882, trad. Cantacuzène.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
131
KANT ET L’APRIORITÉ DU CONCEPT DE CAUSALITÉ

c’est-à-dire une connaissance de changements d’objets réels, reconnus comme tels par le sujet. Tous deux sont des changements de position de deux corps, l’un par rapport à l’autre. Dans le premier exemple, l’un des objets, c’est le propre corps de l’observateur, et même une partie seulement de ce corps, savoir l’œil ; l’autre est la maison, et c’est la position de l’œil par rapport aux parties de la maison que l’on change successivement. Dans le second exemple, le navire change sa position par rapport au fleuve ; il y a encore changement entre deux corps. Dans les deux cas, ce sont des événements : la seule différence est que, dans le premier, le changement provient du corps même de l’observateur, dont les sensations sont bien le point de départ de ses propres perceptions, mais qui n’en est pas moins lui aussi un objet parmi les objets, soumis dès lors aux lois du monde objectif. Le mouvement volontaire de son corps est pour l’observateur, en tant qu’être connaissant, un simple fait perçu empiriquement. L’ordre de la succession des changements pourrait aussi bien être interverti dans le second cas qu’il l’a été dans le premier, dès que l’observateur aurait la force de tirer le navire en amont, comme il a eu celle de mouvoir son œil dans une direction opposée à la première. Car c’est de ce que la succession dans les perceptions des parties de la maison dépend de son vouloir que Kant veut déduire qu’elle n’est pas objective et qu’elle n’est pas un événement. Mais le mouvement de son œil dans la direction du grenier à la cave est un événement ; et le mouvement contraire de la cave au grenier en est encore un, aussi bien que la marche