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KANT ET L’APRIORITÉ DU CONCEPT DE CAUSALITÉ

pour toute expérience, son apriorité et, comme conséquence, son application limitée à rendre l’expérience possible. Mais je ne saurais adhérer à la preuve qu’il y donne de l’apriorité du principe. Voici cette démonstration en substance : « La synthèse du variable, opérée par l’imagination et nécessaire à toute connaissance empirique, donne bien la succession, mais une succession encore indéterminée, c’est-à-dire elle n’indique pas de deux états perçus lequel a précédé l’autre, non pas seulement dans mon imagination, mais dans l’objet même. Or le véritable ordre de cette succession, par lequel seul ce qui est perçu devient expérience, c’est-à-dire autorise des jugements ayant valeur objective, cet ordre n’y pénètre que par une pure notion de l’entendement, à savoir par la notion de cause et effet. Dans le principe du rapport causal est la condition qui rend l’expérience possible, et comme tel il nous est donné à priori. » (Voir Critique de la raison pure, 1re édit., p. 201[1].)

D’après cela, l’ordre dans lequel se succèdent les changements des objets réels serait reconnu comme objectif tout d’abord au moyen de leur causalité. Kant répète et commente cette assertion dans la Critique de la raison pure, principalement dans sa seconde Analogie de l’expérience, puis encore à la fin de sa troisième Analogie ; et je prie tous ceux qui veulent comprendre ce qui va suivre de relire ces passages. Il y affirme partout que l’objectivité de la succession des représentations, qu’il

  1. Voir dans la traduction de M. Tissot, tome I, seconde analogie, particulièrement à partir de la page 223. (Le Trad.)