Page:Schopenhauer - De la quadruple racine, 1882, trad. Cantacuzène.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
123
APRIORITÉ DE LA NOTION DE CAUSALITÉ

dans la connaissance abstraite et claire des notions, sans se douter nullement que son application précède toute réflexion, ce qui est évidemment le cas, et spécialement pour la perception des sensations extérieures ; sans cela, jamais la perception ne pourrait s’effectuer : je l’ai prouvé plus haut, par l’analyse que j’en ai faite et d’une manière, qui n’admet plus de contestation. Aussi Kant est-il forcé de laisser la perception empirique sans aucune explication ; chez lui, comme si elle était donnée par miracle, elle est une pure affaire des sens et se confond, par conséquent, avec la sensation. Je désire vivement que les lecteurs qui veulent méditer la question relisent le passage que j’ai rapporté de Kant, pour voir bien clairement combien ma manière de comprendre toute la marche et tous les détails de la chose est plus exacte. Cette opinion tout à fait erronée de Kant s’est maintenue depuis dans les ouvrages de philosophie, parce que personne n’osait y toucher ; c’est moi qui le premier suis venu déblayer le terrain, et cela était indispensable pour jeter de la lumière sur le mécanisme de notre connaissance.

Au reste, la rectification que j’y ai faite ne nuit absolument en rien à la doctrine idéaliste établie par Kant ; celle-ci y a plutôt gagné, en ce que chez moi la nécessité d’une loi de causalité est absorbée et éteinte dans la perception empirique comme dans son résultat et par conséquent ne peut plus être invoquée au delà, pour la question toute transcendantale de la chose en soi. En effet, si nous nous reportons à ma théorie, exposée plus haut, sur la perception empirique, nous trouverons que sa donnée première,