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DE LA PREMIÈRE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

membres du corps ; l’autre, que c’est la résistance opposée par les choses à notre pression, qui sont l’origine et le prototype du concept de causalité. Hume les réfuta toutes deux à sa guise et dans son ordre d’idées. Quant à moi, voici comment j’argumente : entre l’acte de la volonté et l’action du corps, il n’existe aucun rapport de causalité ; les deux sont directement une seule et même chose, perçue deux fois : une première fois dans la conscience | ou sens intime, comme acte de la volonté, et en même temps dans la perception cérébrale, extérieure, de l’espace, comme action musculaire. (Comp. Le monde comme volonté et représentation, 3e éd., vol. II, page 41[1].) La seconde hypothèse est fausse, d’abord parce que, comme je l’ai exposé en détail plus haut, une simple sensation du tact est loin encore de fournir une perception objective, et bien moins encore la notion de causalité ; jamais ce concept ne pourra résulter simplement de l’empêchement d’un effort musculaire, empêchement qui, du reste, se produit souvent sans aucune cause externe ; et secondement, parce que le fait de presser contre un objet extérieur, devant avoir un motif, présuppose déjà la perception de cet objet, et celle-ci la connaissance de la causalité. Mais on ne peut démontrer radicalement que la notion de causalité est indépendante de toute expérience qu’en prouvant que c’est celle-ci qui dépend du principe et que c’est par lui seul qu’elle est possible ; c’est ce que j’ai fait

  1. Un renvoi de l'éditeur allemand fait observer ici que, dans la 3e édition du Monde comme volonté et représentation, il se trouve à cet endroit une addition qui manque à la 2e (vol. II, p. 38). (Le trad.)