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DE LA PREMIÈRE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

démêlé, pour chaque marionnette, le fil particulier à tirer afin de la faire se mouvoir à sa volonté. Que, moyennant les ressources de la mécanique, il utilise dans des machines la gravité des corps, de façon que l’action de la pesanteur, se produisant exactement au moment voulu, vienne servir son but ; ou bien qu’il mette en jeu, au service de ses desseins, les penchants communs ou individuels des hommes, la chose reste exactement la même quant à la fonction qui est active dans ce travail. Dans cette application pratique, l’entendement est nommé habileté (Klugheit) ; quand on a recours à la duperie, adresse ; quand les desseins sont frivoles, subtilité ; et, s’ils sont liés au dommage d’autrui, astuce. Par contre, ce n’est que dans son emploi purement théorique qu’on l’appelle entendement tout court ; mais, porté à des degrés supérieurs, on le désigne par perspicacité, discernement, sagacité, pénétration ; le manque d’entendement, en revanche, est nommé hébètement, bêtise, niaiserie, etc. Ces degrés si divers dans la qualité sont innés et ne peuvent s’acquérir par l’étude, bien que l’exercice et la connaissance de la matière soient partout nécessaires pour pouvoir user correctement de l’entendement, ainsi que nous l’avons vu pour sa première application, c’est-à-dire pour la perception empirique. De la raison, tout imbécile en a ; donnez-lui les prémisses, il tirera la conséquence. Mais c’est l’entendement qui fournit la connaissance primaire, par conséquent intuitive ; et c’est de là que viennent les différences. Aussi la moelle de toute grande découverte, comme aussi de tout plan d’histoire universelle, est-elle le produit d’un