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DE LA PREMIÈRE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

divers qu’elle contenait, il ne put rien distinguer ; il n’avait qu’une impression d’ensemble, comme d’un tout uniforme ; il lui semblait voir une surface lisse et bariolée. Son intellect ne songeait nullement à reconnaître des objets séparés, placés les uns derrière les autres, à des distances inégales. Chez les aveugles ainsi opérés, c’est au toucher, auquel ces objets sont déjà familiers, à les faire connaître à la vue et, pour ainsi dire, à les présenter et à les introduire. Dans les commencements, ils ne savent pas juger des distances ; ils étendent le bras pour tout saisir. L’un d’eux, voyant sa maison de la rue, ne pouvait croire que toutes ces grandes chambres fussent contenues dans ce petit objet. Un autre était ravi, d’avoir découvert, quelques semaines après l’opération, que les gravures pendues au mur représentaient une foule de choses différentes. Dans le Morgenblatt du 23 octobre 1817, on trouve l’histoire d’un aveugle-né qui recouvra la vue à l’âge de dix-sept ans. Il dut commencer par apprendre à percevoir par l’entendement, et ne reconnaissait par la vue aucun des objets qu’il connaissait déjà auparavant par le toucher. Le tact devait d’abord lui faire connaître séparément chaque chose par la vue. Il ne savait pas non plus juger des distances et voulait tout saisir indifféremment. — Franz, dans son ouvrage The eye : a treatise on the art of dreserving this organ in healthy condition, and of improving the sight (London, Churchill, 1838), dit p. 34-36 : « A definite idea of distance, as well as of form and size, is only obtained by sight and touch, and by reflecting on the impressions made on both senses ; but for this