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APRIORITÉ DE LA NOTION DE CAUSALITÉ

des sens, principalement sur celles du tact et de la vue, et lorsqu’ils acquièrent ainsi progressivement la conscience du monde extérieur. On reconnaît facilement ce moment, car leurs regards deviennent plus intelligents, et leurs mouvements prennent un certain degré d’intention ; cela se voit surtout au sourire qui paraît sur leurs lèvres et par lequel ils montrent qu’ils reconnaissent les personnes qui les soignent. On peut observer aussi qu’ils font longtemps encore des expériences avec leur vue et leur toucher, pour perfectionner leur perception des objets sous des éclairages différents, dans des directions et à des distances variées ; ils étudient ainsi tranquillement, mais sérieusement, jusqu’à ce qu’ils aient bien appris les différentes opérations de l’entendement que nous avons décrites plus haut. C’est sur des aveugles-nés, opérés plus tard, que l’on peut constater bien plus distinctement ces études, car ils peuvent rendre compte de leurs perceptions. Depuis le célèbre aveugle de Chesselden (le premier rapport fait sur le cas de cet aveugle se trouve dans le volume 35 des Philosophical transactions), le fait s’est répété souvent, et l’on a constaté chaque fois que les individus qui acquièrent tard l’usage de la vue voient, il est vrai, la lumière, les couleurs et les contours immédiatement après l’opération, mais qu’ils n’ont pas encore de perception objectivé des choses, parce que leur entendement a besoin avant cela d’avoir appris à appliquer la loi de la causalité à ces données qui sont nouvelles pour lui et à leurs changements. Quand l’aveugle de Chesselden aperçut pour la première fois sa chambre avec les objets