Page:Schopenhauer - De la quadruple racine, 1882, trad. Cantacuzène.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
108
DE LA PREMIÈRE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

paraissent beaucoup plus rapprochées qu’elles ne le sont, à cause du manque de perspective aérienne, suite de la pureté de l’atmosphère qui entoure leurs sommets ; on pourrait rapporter encore des centaines de faits semblables, où l’entendement admet la cause habituelle, celle qui lui est familière, par conséquent la perçoit immédiatement, bien que la raison ait reconnu la vérité par d’autres voies ; elle ne peut rien faire cependant pour venir au secours de l’entendement, inaccessible, à ses enseignements, vu qu’il la précède dans sa connaissance : ce qui fait que la fausse apparence, c’est-à-dire la déception de l’entendement, reste inébranlable, tandis que l’erreur, c’est-à-dire la déception de la raison, peut être évitée. — Quand l’entendement reconnaît juste, nous avons la réalité ; quand c’est la raison qui reconnaît juste, nous avons la vérité, c’est-à-dire un jugement fondé sur un principe : l’opposé de la première, c’est l’illusion (perception fausse) ; l’opposé de la seconde, c’est l’erreur (pensée fausse).

Bien que la partie purement formelle de la perception empirique, comprenant la loi de la causalité, le temps et l’espace, soit contenue à priori dans l’intellect, l’application aux données empiriques ne lui en est pas donnée en même temps ; il ne l’obtient que par l’exercice et l’expérience. Les enfants nouveau-nés, bien qu’ils reçoivent déjà l’impression de la lumière et des couleurs, ne peuvent pas encore percevoir les objets et ne les voient pas réellement ; pendant les premières semaines, ils sont dans un état de torpeur, qui ne se dissipe que lorsque leur entendement commence à exercer ses fonctions sur les données