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APRIORITÉ DE LA NOTION DE CAUSALITÉ

fondé sur la perspective aérienne et qui se trouve dans le même cas, qu’il faut attribuer ce fait que notre entendement, quand il perçoit dans la direction horizontale, juge les objets plus éloignés, conséquemment plus grands, que dans la verticale. De la vient que la lune à l’horizon nous paraît beaucoup plus grosse qu’à son point culminant, bien que son angle visuel, bien exactement mesuré, c’est-à-dire son image dans l’œil, reste le même dans les deux positions ; c’est pour cela aussi que la voûte céleste nous semble surbaissée, c’est-à-dire plus étendue, dans le sens horizontal que dans le sens vertical. Dans les deux cas, le phénomène est donc purement intellectuel ou cérébral, et non optique ou sensoriel. On a objecté que la lune, même à sa hauteur culminante, est souvent troublée sans paraître plus grosse pour cela ; on réfute l’objection en faisant observer d’abord qu’elle ne paraît pas rouge non plus à cette hauteur, parce que le trouble résulte de vapeurs plus grossières et est d’une autre nature que celui que produit la perspective aérienne ; puis que l’estimation de la distance ne se faisant que dans le sens horizontal et non dans le sens perpendiculaire, nous, trouvons également d’autres correctifs pour cette position. On raconte que Saussure, étant au sommet du mont Blanc, vit la lune, à son lever, lui apparaître si grosse, qu’il ne la reconnut pas et s’évanouit de frayeur.

En revanche, c’est sur l’évaluation faite isolément, au moyen de l’angle visuel seul, c’est-à-dire sur l’estimation de la grandeur par la distance et de la distance par la grandeur, que repose l’action du télescope et de la loupe ;